Comme des frères

Comme des frères

Réalisation : Hugo Gélin
Interprétation : Mélanie Thierry, Pierre Niney, François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle…
Durée : 1h44
Sortie le 21 novembre 2012

Un an après la sortie d’Intouchables, son succès au box-office demeure inexplicable. Qu’avait-il de plus qu’un autre pour friser les vingt millions de spectateurs ?
Alors que cette question reste sans réponse, un autre film a toutes les cartes en main pour connaître un succès semblable, peut-être même plus encore que le film de Nakache et Toledano (permettez-moi de me mouiller).

Comme des frères est le premier long-métrage d’Hugo Gélin (fils de Xavier, et petit-fils de Daniel). Ce jeune metteur-en-scène se décrit lui-même comme un « réalisateur avec la silhouette de Fido Dido, les lunettes de Woody Allen et le bouquin de Franck Capra dans la poche ». Il signe un long-métrage étonnant, surprenant même. Par tant de maîtrise, de subtilité et d’inspiration.

Pierre Niney, François-Xavier Demaison et Nicolas Duvauchelle

Pierre Niney, François-Xavier Demaison et Nicolas Duvauchelle

Ce film est l’histoire de trois mecs qui ne s’apprécient guère, et qui n’ont rien de commun, sinon une amitié mêlant passion, amour et admiration pour une femme : Charlie (Mélanie Thierry). Mais Charlie est emportée par la maladie et laisse seuls ces trois grands gamins qui sont désemparés face à sa disparition.

Ils lui avaient promis avant sa mort de l’accompagner pour un dernier voyage jusqu’à sa petite maison en Corse. Mais, partie plus tôt que prévu, elle leur demande de faire ce voyage sans elle. Alors Boris, le quadra businessman (Demaison), Elie, le scénariste noctambule en pleine crise de la trentaine (Duvauchelle) et Maxime, le jeunot de vingt ans en pleine crise d’adulte (Niney), prennent la route vers le Sud. Et plus ils avancent, plus on les découvre, plus on comprend pourquoi ils étaient si dingues de Charlie, pourquoi ils ont tout plaqué pour faire ce voyage insensé (« le genre de connerie qu’on fait pour les gens qu’on aime » dit Micheline Presle dans le film).

Ce film peut paraître un fourre-tout : est-ce un road-movie, un film de potes, une comédie, un film sur le deuil ? Il y a un peu de tout cela, et c’est ce qui fait sa force. Il est si complet, si complexe… Comme l’est la vie. Hugo Gélin n’essaye pas de nous donner une histoire édulcorée, romancée, mais une histoire profonde, réelle, comme on peut en avoir vécues. C’est la force principale de ce film, c’est que, qui que vous soyez, vous vous y retrouverez, vous vous y reconnaîtrez.

Et c’est en grande partie grâce au travail de ce quatuor magique d’acteurs.
Mélanie Thierry est rayonnante, lumineuse, juste et émouvante ; on comprend la fascination des trois garçons pour elle. Elle a été récompensée pour ce rôle d’un prix d’interprétation au festival du film de la Réunion. Tout comme son partenaire Nicolas Duvauchelle, pour qui c’est une première expérience que de jouer dans une comédie. Mais quelle première ! Il joue savoureusement sur son côté ténébreux en le tournant en dérision, et joue sur l’évolution de son personnage en pleine crise de la trentaine.
Demaison, le seul spécialiste de la comédie, est excellent, mais on pourrait craindre qu’il monopolise l’écran. Pourtant il laisse la place au jeu de ses acolytes.

©piu bella photographie
FX Demaison, Pierre Niney et Hugo Gélin

Et que dire de Pierre Niney, ce comédien de théâtre devenu il y a deux ans le plus jeune pensionnaire de l’histoire de la Comédie Française, que ses partenaires de jeu ont surnommé « le Justin Bieber du théâtre ». Déjà nommé l’année dernière aux Césars comme révélation masculine, il risque fortement de réitérer l’expérience et de rafler cette année la mise. Il joue finement sur les variations de son personnage, à la fois hilarant et grave, mur et ingénu.

Si ce quatuor est si brillant, c’est grâce à l’équilibre entre les prestations de chaque acteur et à la direction de ce grand réalisateur qu’est Hugo Gélin. Néanmoins, on ne le dira jamais assez, Pierre Niney est la grande révélation de ce long-métrage.

Et, comme si tout cela ne suffisait pas à faire de ce long-métrage un très grand film, n’oublions pas la bande-originale du film, qui, elle aussi, est exceptionnelle. Pour l’occasion, Hugo Gélin a fait appel au groupe Revolver, qui a orchestré l’intégralité du film avec sa pop caractéristique qu’on lui connait. Au son des guitares acoustiques, du violoncelle et de la voix d’Ambroise et de ses complices, on se laisse, emporter sur la route de la Corse en compagnie du trio. Un album savoureux à retrouver dès la sortie du film dans les bacs.

Comme des frères est un film simple, original, inattendu, dont on sort avec un sourire béat pendu aux lèvres et le cœur léger. Tant de points communs avec Intouchables… En tous cas, on lui souhaite vraiment pareil succès.
C’est LE film de cette fin d’année 2012. Surtout, ne le ratez pas.

Merlin Pitois